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« On ne peut te sauver, malheureux ! Je le vois bien, on ne peut te sauver. »

Ce qu’avait dit Albert en présence du bailli sur l’affaire du prisonnier avait singulièrement mortifié Werther. Il avait cru y remarquer quelque allusion à lui-même et à ses propres sentiments ; et quoique, après y avoir plus mûrement réfléchi, il comprît bien que ces deux hommes pouvaient avoir raison, il sentait cependant qu’il serait au-dessus de ses forces d’en convenir.

Nous trouvons dans ses papiers une note qui a trait à cet événement, et qui exprime peut-être ses vrais sentiments pour Albert :

« À quoi sert de me dire et de me répéter : Il est honnête et bon ! Mais il me déchire jusqu’au fond du cœur ; je ne puis être juste ! »

La soirée étant douce et le temps disposé au dégel, Charlotte et Albert s’en retournèrent à pied. En chemin, Charlotte regardait ça et là, comme si la société de Werther lui eut manqué. Albert se mit à parler de lui. Il le blâma, tout en lui rendant justice. Il en vint à sa malheureuse passion, et souhaita pour lui-même qu’il fût possible de l’éloigner. « Je le souhaite aussi pour nous, dit-il ; et, je t’en prie, tâche de donner une autre direction à ses relations avec toi, et de rendre plus rares ses visites si mul-