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Werther avait tant loué, tant estimé au commencement de leur connaissance. Il chérissait Charlotte par-dessus tout ; il était fier d’elle ; il désirait que chacun la reconnut pour l’être le plus parfait. Pouvait-on le blâmer de chercher à détourner jusqu’à l’apparence du soupçon ? Pouvait-on le blâmer s’il se refusait à partager avec qui que ce fût un bien si précieux, même de la manière la plus innocente ? Ils avouent que, lorsque Werther venait chez sa femme, Albert quittait souvent la chambre ; mais ce n’était ni haine ni aversion pour son ami : c’était seulement parce qu’il avait senti que Werther était gêné en sa présence.

Le père de Charlotte fut attaqué d’un mal qui le retint dans sa chambre. Il envoya sa voiture à sa fille ; elle se rendit auprès de lui. C’était par un beau jour d’hiver ; la première neige était tombée en abondance, et la terre en était couverte.

Werther alla rejoindre Charlotte le lendemain matin, pour la ramener chez elle si Albert ne venait pas la chercher.

Le beau temps fit peu d’effet sur son humeur sombre ; un poids énorme oppressait son âme, de lugubres images le poursuivaient, et son cœur ne connaissait plus d’autre mouvement que de passer d’une idée pénible à une autre.

Comme il vivait toujours mécontent de lui-même, l’état de ses amis lui semblait aussi plus agité et plus critique : il crut avoir troublé la bonne intelligence entre