Page:Goethe - Werther, 1845, trad. Leroux.djvu/221

Cette page n’a pas encore été corrigée


6 décembre.

Comme cette image me poursuit ! Que je veille ou que je rêve, elle remplit seule mon âme. Ici, quand je ferme à demi les paupières, ici, dans mon front, à l’endroit où se concentre la force visuelle, je trouve ses yeux noirs. Non, je ne saurais t’exprimer cela. Si je m’endors tout à fait, ses yeux sont encore là, ils sont là comme un abîme ; ils reposent devant moi, ils remplissent mon front.

Qu’est-ce que l’homme, ce demi-dieu si vanté ? les forces ne lui manquent-elles pas précisément à l’heure où elles lui seraient le plus nécessaires ? Et lorsqu’il prend l’essor dans la joie, ou qu’il s’enfonce dans la tristesse, n’est-il pas alors même borné, et toujours ramené au sentiment de lui-même, au triste sentiment de sa petitesse, quand il espérait se perdre dans l’infini ?