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4 décembre.

Je te supplie… Vois-tu, c’est fait de moi… Je ne saurais supporter tout cela plus longtemps. Aujourd’hui j’étais assis près d’elle… J’étais assis ; elle jouait différents airs sur son clavecin, avec toute l’expression ! tout, tout !… que dirais-je ? Sa petite sœur habillait sa poupée sur mon genou. Les larmes me sont venues aux yeux. Je me suis baissé, et j’ai aperçu son anneau de mariage. Mes pleurs ont coulé… Et tout à coup elle a passé à cet air ancien dont la douceur a quelque chose de céleste, et aussitôt j’ai senti entrer dans mon âme un sentiment de consolation, et revivre le souvenir de tout le passé, du temps où j’entendais cet air, des tristes jours d’intervalle, du retour, des chagrins, des espérances trompées, et puis… J’allais et venais par la chambre ; mon cœur suffoquait. « Au nom de Dieu ! lui ai-je dit avec l’expression la plus vive, au nom de Dieu, finissez ! » Elle a cessé, et m’a regardé attentivement : « Werther, m’a-t-elle dit avec un sourire qui me perçait l’âme ; Werther, vous êtes bien malade, vos mets favoris vous répugnent. Allez ! de grâce, calmez-vous. » Je me suis arraché d’auprès d’elle, et… Dieu ! tu vois mes souffrances, tu y mettras fin.