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dirai que j’ai promis un bouquet à ma belle. — C’est fort bien. — Ah ! elle a bien d’autres choses ! Elle est riche ! — Et pourtant elle fait grand cas de votre bouquet ? — Oh ! elle a des joyaux et une couronne ! — Comment l’appelez-vous donc ? — Si les états généraux voulaient me payer, je serais un autre homme ! Oui, il fut un temps où j’étais si content ! Aujourd’hui c’en est fait pour moi, je suis… » Un regard humide qu’il a lancé vers le ciel a tout exprimé. « Vous étiez donc heureux ? — Ah ! je voudrais bien l’être encore de même ! J’étais content, gai et gaillard comme le poisson dans l’eau. — Henri! a crié une vieille femme qui venait sur le chemin, Henri, où es-tu fourré ? nous t’avons cherché partout. Viens dîner. — Est-ce là votre fils ? lui ai-je demandé en m’approchant d’elle. — Oui, c’est mon pauvre fils ! a-t-elle répondu. Dieu m’a donné une croix lourde. — Combien y a-t-il qu’il est dans cet état ? — Il n’y a que six mois qu’il est ainsi tranquille. Je rends grâce à Dieu que cela n’ait pas été plus loin. Auparavant il a été dans une frénésie qui a duré une année entière, et pour lors il était à la chaîne dans l’hôpital des fous. A présent il ne fait rien à personne ; seulement il est toujours occupé de rois et d’empereurs. C’était un homme doux et tranquille, qui m’aidait à vivre, et qui avait une fort belle écriture. Tout d’un coup il devint rêveur, tomba malade d’une fièvre chaude, de là dans le délire, et maintenant il est dans l’état où vous le voyez. S’il fallait raconter, monsieur… » J’interrompis ce flux