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la porta sur ses lèvres d’homme, irai-je faire le fort et feindre de la trouver douce et agréable ? et pourquoi aurais-je honte de l’avouer dans ce terrible moment où tout mon être frémit entre l’existence et le néant, où le passé luit comme un éclair sur le sombre abîme de l’avenir, où tout ce qui m’environne s’écroule, où le monde périt avec moi ? N’est-ce pas la voix de la créature accablée, défaillante, s’abîmant sans ressource au milieu des vains efforts qu’elle fait pour se soutenir, que de s’écrier avec plainte ; « Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m’avez-vous abandonnée ? » Pourrais-je rougir de cette expression ? pourrais-je redouter le moment où elle m’échappera, comme si elle n’avait pas échappé à celui qui replie les cieux comme un voile ?




21 novembre.

Elle ne voit pas, elle ne sent pas qu’elle prépare le poison qui nous fera périr tous les deux ; et moi, j’avale avec délices la coupe où elle me présente la mort ! Que veut dire cet air de bonté avec lequel elle me regarde souvent