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15 septembre.

On se donnerait au diable, Wilhelm, quand on pense qu’il faut qu’il y ait des hommes assez dépourvus d’âme et de sentiment pour ne pas goûter le peu qui vaille quelque chose sur la terre. Tu connais ces noyers sous lesquels je me suis assis avec Charlotte chez le bon pasteur de Saint***, ces beaux noyers qui m’apportaient toujours je ne sais quel contentement d’âme ? Comme ils rendaient la cour du presbytère agréable et hospitalière ! que leurs rameaux étaient frais et magnifiques ! et jusqu’au souvenir des honnêtes ministres qui les avaient plantés il y a tant d’années ! Le maître d’école nous a dit bien souvent le nom de l’un d’eux, qu’il tenait de son grand-père. Ce doit avoir été un galant homme, et sa mémoire m’était toujours sacrée lorsque j’étais sous ces arbres. Oui, le maître d’école avait hier les larmes aux yeux lorsque nous nous plaignions ensemble de ce qu’ils ont été abattus… Abattus… J’enrage, et je crois que je tuerais le chien qui a donné le premier coup de hache… Moi, qui serais homme à m’affliger sérieusement, si, ayant deux arbres comme cela dans ma cour, j’en voyais un mourir de vieillesse, faut-il que je voie cela ! Mon cher ami, il y a une chose qui console. Ce que c’est que le sentiment chez les hommes ! tout le village murmure, et j’espère que la femme du pasteur verra à son