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ment par les veines comme une eau bouillante. « Que cela m’a déjà coûté ! » ajouta cette douce créature, les larmes aux yeux. Je n’étais plus maître de moi-même, et j’étais sur le point de me jeter à ses pieds. « Expliquez-vous,» lui dis-je. Ses larmes coulèrent sur ses joues ; j’étais hors de moi. Elle les essuya sans vouloir les cacher. « Ma tante ! vous la connaissez, reprit-elle ; elle était présente, et elle a vu, ah ! de quel œil elle a vu cette scène ! Werther, j’ai essuyé hier soir et ce matin un sermon sur ma liaison avec vous, et il m’a fallu vous entendre ravaler, humilier, sans pouvoir, sans oser vous défendre qu’à demi. »

Chaque mot qu’elle prononçait était un coup de poignard pour mon cœur. Elle ne sentait pas quel acte de compassion c’eût été que de me taire tout cela. Elle ajoute tout ce qu’on disait encore de mon aventure, et quel triomphe ce serait pour les gens les plus dignes de mépris ; comme on chanterait partout que mon orgueil et ces dédains pour les autres qu’ils me reprochaient depuis longtemps étaient enfin punis.

Entendre tout cela de sa bouche, Wilhelm, prononcé d’une voie si compatissante ! J’étais atterré, et j’en ai encore la rage dans le cœur. Je voudrais que quelqu’un s’avisât de me vexer, pour pouvoir lui passer mon épée au travers du corps ! Si je voyais du sang, je serais plus tranquille. Ah ! j’ai déjà cent fois saisi un couteau pour faire cesser l’oppression de mon cœur. L’on parle d’une