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cent et cent fois : « Pardonne, chère mère, si je ne suis pas pour eux ce que tu fus toi-même. Hélas! je fais tout ce que je puis : ils sont vêtus, nourris, et, ce qui est plus encore, ils sont choyés, chéris. Âme chère et bienheureuse, que ne peux-tu voir notre union ! Quelles actions de grâces tu rendrais à ce Dieu à qui tu demandas, en versant des larmes amères, le bonheur de tes enfants! » Elle a dit cela, Wilhelm ! Qui peut répéter ce qu’elle a dit ? Comment de froids caractères pourraient-ils rendre ces effusions de tendresse et de génie ? Albert, l’interrompant avec douceur : « Cela vous affecte trop, Charlotte ; je sais combien ces idées vous sont chères ; mais je vous prie… — O Albert ! interrompit-elle, je sais que vous n’avez pas oublié ces soirées où nous étions assis ensemble autour de la petite table ronde, lorsque mon père était en voyage, et que nous avions envoyé coucher les enfants. Vous apportiez souvent un bon livre ; mais rarement il vous arrivait de nous en lire quelque chose : l’entretien de celle belle âme n’était-il pas préférable à tout ? Quelle femme ! belle, douce, enjouée et toujours active ! Dieu connaît les larmes que je verse souvent dans mon lit, en m’humiliant devant lui, pour qu’il daigne me rendre semblable à ma mère…

— Charlotte ! m’écriai-je en me jetant à ses pieds et lui prenant la main que je baignai de mes larmes ; Charlotte, que la bénédiction du ciel repose sur toi, ainsi que l’esprit de ta mère ! — Si vous l’aviez connue ! me dit-elle