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frappant, que nous étions environnés d’une obscurité profonde.

Nous gardâmes quelque temps le silence ; elle le rompit par ces mots : « Jamais, non, jamais je ne me promène au clair de lune que je ne me rappelle mes parents qui sont décédés, que je ne sois frappée du sentiment de la mort et de l’avenir. Nous renaîtrons (continua-t-elle d’une voix qui exprimait un vif mouvement du cœur) ; mais, Werther, nous retrouverons-nous ? nous reconnaîtrons-nous ? Qu’en pensez-vous ? — Que dites-vous, Charlotte ? répondis-je en lui tendant la main et sentant mes larmes couler. Nous nous reverrons ! En cette vie et en l’autre nous nous reverrons !… » Je ne pus en dire davantage… Wilhelm, fallait-il qu’elle me fit une semblable question, au moment même où je portais dans mon sein une si cruelle séparation !

« Ces chers amis que nous avons perdus, continua-t-elle, savent-ils quelque chose de nous ? ont-ils le sentiment de tout ce que nous éprouvons lorsque nous nous rappelons leur mémoire ? Ah ! l’image de ma mère est toujours devant mes yeux, lorsque, le soir, je suis assise tranquillement au milieu de ses enfants, au milieu de mes enfants, et qu’ils sont là autour de moi comme ils étaient autour d’elle. Avec ardeur je lève au ciel mes yeux mouillés de larmes ; je voudrais que du ciel elle pût regarder un instant comme je lui tiens la parole que je lui donnai à sa dernière heure d’être la mère de ses enfants. Je m’écrie