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ce site, le plus enchanté que j’aie jamais vu ! Oui, c’est vraiment un des sites les plus admirables que jamais l’art ait créés. D’abord, entre les marronniers, on a la plus belle vue. Mais je me rappelle, je crois, t’avoir déjà fait cette description ; je t’ai parlé de cette allée où l’on se trouve emprisonné par des murailles de charmilles, de cette allée qui s’obscurcit insensiblement à mesure qu’on approche d’un bosquet à travers lequel elle passe, et qui finit par aboutir à une petite enceinte, où l’on éprouve le sentiment de la solitude. Je sens encore le saisissement qui me prit lorsque, par un soleil de midi, j’y entrai pour la première fois. J’eus un pressentiment vague de félicité et de douleur.

J’étais depuis une demi-heure livré aux douces et cruelles pensées de l’instant qui nous séparerait de celui qui nous réunirait, lorsque je les entendis monter sur la terrasse. Je courus au-devant d’eux ; je lui pris la main avec un saisissement, et je la baisai. Alors la lune commençait à paraître derrière les buissons des collines. Tout en parlant, nous nous approchions insensiblement du cabinet sombre. Charlotte y entra, et s’assit ; Albert se plaça auprès d’elle, et moi de l’autre côté. Mais mon agitation ne me permit pas de rester en place ; je me levai, je me mis devant elle, fis quelques tours, et me rassis : j’étais dans un état violent. Elle nous fit remarquer le bel effet de la lune qui, à l’extrémité de la charmille, éclairait toute la terrasse : coup d’œil superbe, et d’autant plus