Page:Goethe - Werther, 1845, trad. Leroux.djvu/153

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’anniversaire de ma naissance, et de grand matin je reçois un petit paquet de la part d’Albert. La première chose qui frappe mes yeux en l’ouvrant, c’est un nœud de ruban rose que Charlotte avait au sein lorsque je la vis pour la première fois, et que je lui avais souvent demandé depuis. Il y avait aussi deux petits volumes in-12 : c’était l’Homère de Wettstein, édition que j’avais tant de fois désirée, pour ne pas me charger de celle d’Ernesti à la promenade. Tu vois comme ils préviennent mes vœux, comme ils ont ces petites attentions de l’amitié, mille fois plus précieuses que de magnifiques présents par lesquels la vanité de celui qui les fait nous humilie. Je baise ce nœud mille fois, et dans chaque baiser j’aspire et je savoure le souvenir des délices dont me comblèrent ces jours si peu nombreux, si rapides, si irréparables ! Cher Wilhelm, il n’est que trop vrai, et je n’en murmure pas, oui, les fleurs de la vie ne sont que des fantômes. Combien se fanent sans laisser la moindre trace ! combien peu donnent des fruits ! et combien peu de ces fruits parviennent à leur maturité ! Et pourtant il y en a encore assez ; et même… O mon ami !… pouvons-nous voir des fruits mûrs, et les dédaigner, et les laisser pourrir sans en jouir ?

Adieu. L’été est magnifique. Je m’établis souvent sur les arbres du verger de Charlotte. Au moyen d’une longue perche, j’abats les poires les plus élevées. Elle est au pied de l’arbre, et les reçoit à mesure que je les lui jette.