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bles que celles où je me trouve se réunissent rarement pour rendre un homme heureux. Tant il est vrai que c’est notre cœur seul qui fait son malheur ou sa félicité… Être membre de la famille la plus aimable ; me voir aimé du père comme un fils, des jeunes enfants comme un père ; et de Charlotte !… Et cet excellent Albert, qui ne trouble mon bonheur par aucune marque d’humeur, qui m’accueille si cordialement, pour qui je suis, après Charlotte, ce qu’il aime le mieux au monde !… Mon ami, c’est un plaisir de nous entendre lorsque nous nous promenons ensemble, et que nous nous entretenons de Charlotte : on n’a jamais rien imaginé de plus ridicule que notre situation ; et cependant dans ces moments plus d’une fois les larmes me viennent aux yeux.

Quand il me parle de la digne mère de Charlotte, quand il me raconte comment, en mourant, elle remit à sa fille son ménage et ses enfants, et lui recommanda sa fille à lui-même ; comment dès lors un nouvel esprit anima Charlotte ; comment elle est devenue, pour les soins du ménage, et de toute manière, une véritable mère ; comment aucun instant ne se passe pour elle sans sollicitude et sans travail, et comment sa vivacité, sa gaieté ne l’ont pourtant jamais quittée ;… alors je marche nonchalamment à côté de lui, et je cueille des fleurs sur le chemin ; je les réunis soigneusement dans un bouquet, et je les jette dans le torrent, et je les suis de l’œil pour les voir enfoncer petit à petit… Je ne sais si je t’ai écrit qu’Albert