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PRÉFACE.


C’est une chose infiniment précieuse que le livre d’un homme de génie traduit dans une autre langue par un autre homme de génie. Que ne donnerait-on pas pour lire tous les chefs-d’œuvre étrangers traduits ainsi ! C’est lorsque de grands écrivains ne dédaigneront pas une si noble tâche, que nous posséderons véritablement l’esprit des maîtres, et que nous participerons au génie des autres nations.

C’est que, pour traduire une œuvre capitale, il faut la juger, la sentir profondément. Pour le faire d’une manière complète, il faudrait presque être l’égal de celui qui l’a créée. Quelle idée pouvons-nous donc nous former de Shakespeare, de Dante, de Byron ou de Gœthe, si leurs ouvrages nous sont expliqués par des écoliers ou des manœuvres ?

Plusieurs traductions de Werther nous avaient passé sous les yeux, et ce livre sublime nous était tombé des mains. Avec grand effort de conscience, et en nous condamnant, pour ainsi dire, à reprendre cette lecture à bâtons rompus, nous avions réussi à nous faire l’idée de cette pure conception et de ce plan admirable ; mais la force, la