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et à crier. « Vous lui avez fait mal, » dit Charlotte. J’étais consterné.

« Viens, Amélie, continua-t-elle en la prenant par la main pour descendre les marches ; lave-toi dans l’eau fraîche, vite, vite : ce ne sera rien. » Je restais à regarder avec quel soin l’enfant se frottait les joues de ses petites mains mouillées, et avec quelle bonne foi elle croyait que cette fontaine merveilleuse enlevait toute souillure, et lui épargnerait la honte de se voir pousser une vilaine barbe. Charlotte avait beau lui dire : « C’est assez,» la petite continuait toujours de se frotter, comme si beaucoup eût dû faire plus d’effet que peu. Je t’assure, Wilhelm, que je n’assistai jamais avec plus de respect à un baptême, et lorsque Charlotte remonta, je me serais volontiers prosterné devant elle, comme devant un prophète qui vient d’effacer les iniquités d’une nation.

Le soir, je ne pus m’empêcher, dans la joie de mon cœur, de raconter cette scène à un homme que je supposais sensible parce qu’il a de l’esprit ; mais je m’adressais bien ! Il me dit que Charlotte avait eu grand tort ; qu’il ne fallait jamais rien faire accroire aux enfants ; que c’était donner naissance à une infinité d’erreurs, et ouvrir la voie à la superstition, contre laquelle il fallait, au contraire, les prémunir de bonne heure. Je me rappelai qu’il avait fait baptiser un de ses enfants il y a huit jours ; je le laissai dire, et dans le fond de mon cœur je restai fidèle à la vérité. Nous devons en user avec les enfants comme Dieu en use avec nous, lui qui ne nous rend jamais plus heu-