Page:Goethe - Werther, 1845, trad. Leroux.djvu/118

Cette page n’a pas encore été corrigée


6 juillet.

Elle est toujours près de sa mourante amie, et toujours la même : toujours cet être bienfaisant, dont le regard adoucit les souffrances et fait des heureux. Hier soir, elle alla se promener avec Marianne et la petite Amélie ; je le savais, je les rencontrai, et nous marchâmes ensemble. Après avoir fait près d’une lieue et demie, nous retournâmes vers la ville, et nous arrivâmes à cette fontaine qui m’était déjà si chère, et qui maintenant me l’est mille fois davantage. Charlotte s’assit sur le petit mur, nous restâmes debout devant elle. Je regardai tout autour de moi, et je sentis revivre en moi le temps où mon cœur était si seul. « Fontaine chérie, dis-je en moi-même, depuis ce temps je ne me repose plus à ta douce fraîcheur, et quelquefois, en passant rapidement près de toi, je ne t’ai pas même regardée ! » Je regardais en bas, et je vis monter la petite Amélie, tenant un verre d’eau avec grande précaution. Je contemplai Charlotte, et sentis tout ce que j’ai placé en elle. Cependant Amélie vint avec son verre ; Marianne voulut le lui prendre. « Non, s’écria l’enfant avec l’expression la plus aimable, non ! c’est à toi, Charlotte, à boire la première. » Je fus si ravi de la vérité, de la bonté avec laquelle elle disait cela, que je ne pus rendre ce que j’éprouvais qu’en prenant la petite dans mes bras, et en l’embrassant avec tant de force qu’elle se mit à pleurer