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évertuer, le travail se fait avec aisance, et nous trouvons un véritable plaisir dans l’activité. » Frédérique m’écoutait attentivement. Le jeune homme m’objecta que l’on n’était pas maître de soi-même, ou que du moins on ne pouvait pas commander à ses sentiments. « Il s’agit ici, répliquai-je, d’un sentiment désagréable dont chacun serait bien aise d’être délivré, et personne ne connaît l’étendue de ses forces avant de les avoir mises à l’épreuve. Assurément un malade consultera tous les médecins, et il ne refusera pas le régime le plus austère, les potions les plus amères, pour recouvrer sa santé si précieuse. » Je vis que le bon vieillard s’efforçait de prendre part à notre discussion ; j’élevai la voix en lui adressant la parole. « On prêche contre tant de vices, lui dis-je ; je ne sache point qu’on se soit occupé, en chaire, de la mauvaise humeur [1]. — C’est aux prédicateurs des villes à le faire, répondit-il ; les gens de la campagne ne connaissent pas l’humeur. Il n’y aurait pourtant pas de mal d’en dire quelque chose de temps en temps : ce serait une leçon pour nos femmes, au moins, et pour M. le bailli. » Tout te monde rit, il rit lui-même de bon cœur, jusqu’à ce qu’il lui prit une toux qui interrompit quelque temps notre entretien. Le jeune homme reprit la parole : «Vous avez nommé la mauvaise humeur un vice ; cela me semble

  1. Nous avons maintenant un excellent sermon de Lavater sur ce sujet, parmi ses sermons sur le livre de Jonas.