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sa mine. Je n’en fus point déconcerté. Je lui laissai débiter les choses les plus profondes, et je relevai le château de cartes que les enfants avaient renversé. Aussi, de retour à la ville, le docteur n’a-t-il pas manqué de dire à qui a voulu l’entendre que les enfants du bailli n’étaient déjà que trop mal élevés ; mais que ce Werther achevait maintenant de les gâter tout à fait.

Oui, mon ami, c’est aux enfants que mon cœur s’intéresse le plus sur la terre. Quand je les examine, et que je vois dans ces petits êtres le germe de toutes les vertus, de toutes les facultés qu’ils auront si grand besoin de développer un jour ; quand je découvre dans leur opiniâtreté ce qui deviendra constance et force de caractère ; quand je reconnais dans leur pétulance et leurs espiègleries même l’humeur gaie et légère qui les fera glisser à travers les écueils de la vie ; et tout cela si franc, si pur !… alors je répète sans cesse les paroles du Maître : Si vous ne devenez semblable à l’un d’eux. Et cependant, mon ami, ces enfants, nos égaux, et que nous devrions prendre pour modèles, nous les traitons comme nos sujets !,.. Il ne faut pas qu’ils aient des volontés !… N’avons-nous pas les nôtres ? Où donc est notre privilège ? Est-ce parce que nous sommes plus âgés et plus sages ? Dieu du ciel ! tu vois de vieux enfants et de jeunes enfants, et rien de plus ; et depuis longtemps ton Fils nous a fait connaître ceux qui te plaisent davantage. Mais ils croient en lui et ne l’écoutent point (c’est encore là une ancienne vérité), et