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ensemble à de si beaux jeux ! Tant de fleurs emaillent mes rivages, ma mère a tant de voiles d’or ! »

— Père, père ! eh quoi ! tu n’entends pas ce que le roi des Aulnes me promet tout bas ? — Sois en paix, reste en paix, mon enfant, c’est le vent qui chuchote dans les feuilles flétries. —

« Veux-tu, gentil enfant, veux-tu venir avec moi ? Mes filles te gâteront à l’envi ; mes filles mènent la danse nocturne ; elles te berceront, et danseront, et t’endormiront à leurs chants. »

— Père, père ! eh quoi ! ne vois-tu pas là-bas les filles du roi des Aulnes à cette place sombre ? — Mon fils, mon fils, je le vois bien, ce sont les vieux saules qui pâlissent au loin. —

« Je t’aime, ta douce figure me plaît ; et si tu résistes, j’emploie la force. » — Père, père ! voilà qu’il me saisit ! Le roi des Aulnes m’a fait bien mal ! —

Le père frissonne, il pousse son cheval ; il serre dans ses bras l’enfant qui suffoque, il arrive chez lui à grand’-peine ; dans ses bras l’enfant était mort.





LE PÊCHEUR


L’onde murmurait, l’onde s’enflait, un pêcheur était assis au bord, reposant ses yeux sur son hameçon, calme jusque dans le fond du cœur. Et comme il est assis, comme il guette, le flot monte et se sépare, et du sein de la vague émue une femme humide s’élance.

Elle lui chanta, elle lui parla : « Pourquoi attires-tu avec l’esprit et la ruse de l’homme mon engeance là-haut vers la chaleur mortelle. Ah ! si tu savais comme le poisson est bien dans la profondeur, tu descendrais tel que tu es, et te sentirais si dispos !