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son ami qu’il était de son devoir de célébrer ce jour en faisant poser à sa femme la première pierre de la maison d’été. Connaissant l’aversion du Baron pour ces sortes de solennités, il s’était attendu à une vive opposition ; mais Édouard céda sans difficultés. Il s’était dit à lui-même qu’une fête en l’honneur de sa femme, l’autoriserait à en donner une plus tard pour célébrer l’anniversaire de la naissance d’Ottilie.

Tant d’entreprises projetées, qui toutes avaient déjà un commencement d’exécution, occupèrent sérieusement Charlotte ; parfois même elles lui causèrent de graves inquiétudes, et alors elle passait une partie de ses journées à calculer les dépenses probables en les comparant à l’état de leur fortune. On se voyait peu pendant le jour, mais le soir on se cherchait avec plus d’empressement.

Pendant ce temps Ottilie acheva de s’assurer, sans le savoir, le gouvernement absolu de la maison ; et pouvait-il en être autrement ? La nature l’avait créée pour la vie domestique, l’intérieur du ménage était son univers, là seulement elle se sentait heureuse et libre. Le Baron ne tarda pas à s’apercevoir qu’elle ne se prêtait que par complaisance aux longues excursions, et qu’elle aimait, surtout, à revenir le soir assez tôt pour diriger et surveiller les apprêts du souper. Toujours empressé de prévenir ses moindres désirs, il abrégea les heures de promenades, et remplit les soirées par la lecture de poésies passionnées dont il augmentait le charme dangereux par la chaleur de son débit.

Une convention tacite semblait avoir fixé la place que chacun des quatre amis devait occuper pendant ces lectures : Charlotte était assise sur le canapé ; Ottilie, en face d’elle sur une chaise, avait le Capitaine à sa gauche et Édouard à sa droite.