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personnes avec lesquelles on devait vivre, parce que c’est le seul moyen de savoir ce que l’on peut craindre ou espérer de leur part ; quels travers il faut se résigner à pardonner, et de quels défauts il est possible de les corriger. Cet examen ne lui apprit rien de nouveau ; mais ce qu’elle savait sur son compte lui devint plus clair et elle y attacha plus d’importance. Ce fut ainsi que la trop grande sobriété de cette enfant lui donna des inquiétudes sérieuses.

S’occupant avant tout de la toilette de sa nièce, Charlotte exigea qu’elle mît plus d’élégance et de richesse dans sa mise.

A peine lui eut-elle exprimé ce désir, que la jeune fille tailla elle-même les belles étoffes qu’elle avait refusé d’employer au pensionnat, et elle leur donna les formes les plus gracieuses et les plus variées. Ces vêtements à la mode rehaussaient les charmes de sa personne. Les grâces naturelles embellissent les costumes les plus simples ; mais lorsqu’une femme douée de ces grâces y ajoute des parures bien choisies et souvent renouvelées, ces séduisantes qualités semblent se multiplier et varier sous nos yeux.

Cette innocente coquetterie qui n’était chez Ottilie que l’effet de l’obéissance, lui valut l’attention spéciale d’Édouard et du Capitaine ; tous deux éprouvaient en la regardant un plaisir doux et bienfaisant. Si, par sa magnifique couleur, l’émeraude réjouit la vue et exerce sur cet organe une influence salutaire, pourquoi la beauté de la forme humaine n’agirait-elle pas en même temps et avec une puissance irrésistible sur tous nos sens et même sur nos facultés morales ? La simple contemplation de cette beauté ne suffit-elle pas pour nous faire croire que nous sommes à l’abri de tout mal, et