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te. Saisissant avec un tact merveilleux ce qui pouvait être agréable à chacun, elle donnait des ordres sans avoir l’air de commander ; on lui obéissait avec plaisir, et lorsqu’elle s’apercevait d’un oubli ou d’une négligence, elle y remédiait sans gronder et en faisant elle-même ce qu’elle avait ordonné de faire.

Ses fonctions de ménagère lui laissant beaucoup d’heures de loisir, elle pria sa tante de lui aider à les employer à la continuation des études qui, au pensionnat, occupaient toutes ses journées. Elle travaillait avec ordre, et de manière à confirmer tout ce que le professeur avait dit de ses facultés intellectuelles. Pour donner plus d’assurance à sa main, Charlotte lui glissait des plumes déjà fatiguées, mais la jeune fille les retaillait aussitôt pour les rendre dures et pointues.

Les dames étaient convenues de ne parler entre elles qu’en français ; c’était un moyen d’exercer Ottilie en cette langue qui semblait avoir le pouvoir de la rendre plus communicative, parce qu’en employant cet idiome, elle accomplissait le devoir qu’on lui avait imposé de se le rendre plus familier par la pratique. Quand elle s’en servait, elle disait souvent plus qu’elle n’en avait l’intention. Le tableau spirituel, quoique toujours bienveillant, qu’elle faisait de la vie et des intrigues du pensionnat, amusa beaucoup Charlotte ; et la bonté qui dominait dans tous ses récits et que sa conduite justifiait, lui prouva que bientôt cette jeune fille serait pour elle une amie aussi sûre que fidèle.

Voulant comparer les rapports du professeur et de la sous-maîtresse sur Ottilie avec ce que cette enfant disait et faisait sous ses yeux, Charlotte relisait souvent ces rapports. Selon ses principes, on ne pouvait jamais apprendre trop tôt à connaître le caractère des