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un geste surnaturel, elle l’appelait, et la jeune fille éperdue, hors d’elle, se précipita par la lucarne.

La foule se dispersa de tous côtés avec des cris d’effroi, et les porteurs déposèrent le cercueil auprès duquel Nanny était tombée sans mouvement et comme si tous ses membres eussent été brisés. On la releva, et soit hasard, soit prédestination, on l’appuya sur le cadavre ; car le dernier souffle de sa vie semblait vouloir rejoindre celui de sa maîtresse bien-aimée. Mais à peine ses membres flottants eurent-ils touché les vêtements d’Ottilie, qu’elle se redressa d’un bond, leva les bras et les yeux vers le ciel, s’agenouilla devant le cercueil et contempla la morte dans une pieuse extase. Puis elle se leva comme animée d’une vie nouvelle, et s’écria avec une sainte joie :

— Oui, elle m’a pardonné le crime dont personne en ce monde n’aurait pu m’absoudre, que je ne me serais jamais pardonné à moi-même, Dieu vient de me le remettre par son regard, par son geste, par sa bouche à elle !… La voilà redevenue silencieuse et immobile ; mais vous l’avez vue tous se redresser et me bénir les mains déjointes et levées sur moi ! Vous l’avez vue me sourire avec bonté, vous l’avez entendue ! Oui, vous êtes tous témoins qu’elle m’a dit : _Tout est pardonné_ !… Je ne suis plus une meurtrière parmi vous. Elle m’a absous, Dieu a confirmé ce pardon, personne n’a plus le droit de m’adresser le moindre reproche.

La foule qui s’était réunie de nouveau, se tint immobile ; tout le monde était surpris ; on prêtait l’oreille, on regardait çà et là, on ne savait plus que faire ni que devenir.

Portez-la maintenant à l’asile du repos, continua Nanny, elle a courageusement supporté sa par