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ils font des essais : les uns manquent, les autres réussissent ; alors ils changent ce qu’il faudrait conserver, conservent ce qu’il faudrait changer, et n’arrivent jamais qu’à un rhabillage qui plaît et attire, mais qui ne satisfait point.

— Avoue-le sans détour, tu n’es pas content des plans de ma femme.

— Je le serais si l’exécution était au niveau de la pensée. Elle à voulu s’élever sur la cime de la montagne, cela est fort bien ; mais elle fatigue tous ceux qu’elle y fait monter avec elle. Sur ses routes, soit qu’on y marche côte à côte ou l’un après l’autre, on ne se sent pas indépendant et libre ; la mesure des pas est rompue à chaque instant… et… mais en voilà assez.

— Est-ce qu’elle aurait pu faire mieux ? demanda Édouard.

— Rien n’eût été plus facile. Il aurait fallu abattre un pan de rocher fort peu apparent, par là elle aurait obtenu une pente gracieusement inclinée, et les débris du rocher auraient servi pour donner des saillies pittoresques aux parties mutilées du sentier… Que tout ceci reste entre nous, mes observations la blesseraient sans l’éclairer ; en pareil cas, il faut laisser intact ce qui est fait : mais si tu avais encore du temps et de l’argent à consacrer à de pareilles entreprises, il y aurait une foule de belles choses à faire sur les hauteurs qui dominent la cabane de mousse.

C’est ainsi que le présent leur offrait d’intéressants sujets de conversation ; les joyeux souvenirs du passé ne leur manquaient pas davantage ; pour l’avenir, on se proposait la rédaction du journal de voyage, travail d’autant plus agréable que Charlotte devait y contribuer.