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nt à moi, j’aime mieux supporter un défaut jusqu’à ce qu’il se soit converti en qualité, que de le faire disparaître pour ne rien mettre de bon à sa place. Nous aimons tous à faire ce qui est bien et juste, pourvu qu’on nous en fournisse l’occasion ; alors nous le faisons, uniquement pour avoir quelque chose à faire, et sans y attacher plus d’importance qu’aux sottises et aux absurdités dont nous ne nous rendons coupables que pour échapper à l’ennui et à l’oisiveté.

— Quel avantage, par exemple, continua-t-il, les enfants peuvent-ils tirer des dix commandements de Dieu qu’on leur enseigne au catéchisme ? Passe encore pour le quatrième commandement : _Honore ton père et ta mère_. Que l’enfant se pénètre bien de ce commandement pendant la leçon, il trouvera, le long du jour, le moyen de le mettre en pratique ; mais le cinquième, à quoi bon : _Tu ne tueras pas_ : comme si c’était une chose toute simple et très-récréative que de s’entre-tuer. Un homme fait s’abandonne à la colère, à la haine, à d’autres funestes passions, et peut, égaré par elles et par la force des circonstances, aller jusqu’à tuer son semblable ; mais n’est-ce pas une atroce folie que de défendre à de pauvres enfants le meurtre et l’assassinat ? Si on leur disait : Occupe-toi du bien-être des autres, cherche à leur procurer ce qui leur est utile, à éloigner d’eux ce qui peut leur nuire ; expose ta vie pour sauver la leur, et songe que le mal que tu pourrais leur faire retomberait sur toi-même, ce serait là des enseignements tels qu’on doit en donner à des peuples civilisés, et cependant on leur accorde à peine une petite place dans les instructions supplémentaires du catéchisme.

— Et le sixième commandement ! N’est-il pas horrible ?