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arder étaient à ses yeux des augures favorables. Aucune démarche concernant le divorce n’avait été faite, il pouvait donc espérer encore que la jeune fille trouverait à se placer dans le monde sans troubler l’union des deux époux. Mais il se borna à observer, il céda même parfois et se contenta de laisser deviner, de donner à entendre ; en un mot, il se conduisit assez sagement, du moins d’après son caractère.

Ce caractère cependant le dominait toutes les fois que l’occasion de raisonner sur des matières importantes se présentait. Depuis longtemps il vivait presque toujours seul, et lorsqu’il se trouvait en contact avec les autres, ce n’était que pour agir ; mais lorsque dans un cercle d’amis il se laissait aller au plaisir de parler, sa parole, ainsi que nous avons déjà eu occasion de le voir, roulait comme un torrent, sans songer s’il blessait ou s’il guérissait, s’il faisait du bien ou du mal.

La veille de l’anniversaire de la naissance d’Édouard Charlotte et le Major étaient réunis au salon, en attendant le retour du Baron qui était allé faire une promenade à cheval. Ottilie était restée dans sa chambre, où elle travaillait à la parure du lendemain, secondée par Nanny, qui comprenait et exécutait à merveille les ordres muets de sa maîtresse.

Mittler, qui venait d’arriver au château, se promena d’abord à grands pas dans le salon, puis la conversation tomba sur un de ses sujets favoris. Selon lui, il n’y avait rien de plus barbare et de plus contraire à l’éducation des enfants, et même à celle des peuples, que de leur imposer des lois qui commandent ou défendent certaines actions.

— L’homme est naturellement actif, dit-il, et, pour le faire bien agir, il suffit de le bien diriger. Qua