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on voudra ; qu’on me dispense seulement d’agir, de donner des conseils, des avis.

Le Major se leva et pressa sur ses lèvres la main que Charlotte lui tendit par-dessus la tête d’Ottilie.

— Et moi, murmura-t-il d’une voix à peine intelligible, que puis-je espérer ?

— Dispensez-moi de vous répondre, mon ami ; nous n’avons pas mérité d’être toujours malheureux, mais sommes-nous dignes de trouver le bonheur ensemble ?

Le Major s’éloigna, vivement pénétré de la douleur de Charlotte ; mais il lui fut impossible de s’affliger, comme elle, de la mort de son fils, qui n’était, à ses yeux, qu’un sacrifice, indispensable pour assurer le bonheur de tous. Déjà il voyait de la pensée, d’un côté, la jeune Ottilie tenant dans ses bras un bel enfant plus cher au Baron que celui dont elle avait innocemment causé la mort ; et de l’autre, Charlotte berçant sur ses genoux un fils dont les traits animés lui offriraient, à plus juste titre, la ressemblance qu’il avait reconnue avec effroi sur le visage glacé de la jeune victime du sort.

Préoccupé de ces riants tableaux qui passaient devant son âme, il descendit vers le hameau où il espérait trouver Édouard. Il le rencontra avant d’y arriver. Lui aussi avait passé la nuit dans une cruelle agitation. Espérant toujours entendre ou voir le signal qui devait lui annoncer l’accomplissement de ses vœux, il s’était constamment promené dans les environs de la maison d’été ; aussi n’avait-il pas tardé à apprendre la mort de l’enfant. Cette catastrophe le touchait de plus près que le Major, et cependant il ne pouvait s’empêcher de l’envisager sous le même point de vue. Le compte