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demander : Que ferai-je demain ? Je sens que le sort de plusieurs personnes qui me sont chères est en ce moment entre mes mains ; je ne doute plus de ce que je dois faire, et je vais l’énoncer clairement : Je consens au divorce. Ce consentement, j’aurais dû le donner plus tôt ; mes hésitations, ma résistance ont tué ce malheureux enfant ! Quand le destin veut une chose qui nous paraît mal, elle se fait en dépit de tous les obstacles que nous nous croyons obligés d’y opposer par raison, par vertu, par devoir. Au reste, je ne puis plus me le dissimuler, le destin n’a réalisé que mes propres intentions, dont j’ai eu l’imprudence de me laisser détourner. Oui, j’ai cherché à rapprocher Ottilie d’Édouard, j’ai voulu les marier ; et vous, mon ami, vous avez été le confident, le complice de ce projet. Comment ai-je pu voir dans l’entêtement d’Édouard un amour invariable ? Pourquoi, surtout, ai-je consenti à devenir sa femme, puisqu’on restant son amie je faisais son bonheur et celui de la malheureuse enfant qui dort là, à mes pieds ? Je tremble de la voir sortir de ce sommeil léthargique ! Comment pourra-t-elle supporter la vie, si nous ne lui donnons pas l’espoir de rendre un jour à Édouard plus qu’elle ne lui a fait perdre, par la catastrophe dont elle a été l’aveugle instrument ? Et elle le lui rendra, j’en ai la certitude, car je connais toute l’étendue de sa passion pour lui. L’amour qui donne la force de tout supporter, peut tout remplacer. Quant à ce qui me concerne, il ne doit pas en être question en ce moment. Eloignez-vous en silence, cher Major, dites à votre ami que je consens au divorce, que je m’en remets, pour le réaliser, à lui, à vous, à Mittler. Je signerai tout ce que l’