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n’apprécie rien. Cherche, trouve, invente, s’il le faut, une situation où elle pourrait être heureuse sans moi, et tu m’auras opposé un argument qui, lors même qu’il ne me convaincrait pas à l’instant, me ferait réfléchir de nouveau sur le parti qui me reste à prendre.

La solution de ce problème n’était pas facile, le Major n’en trouva point à sa portée : il se borna donc à répéter à son ami, pour l’endormir plutôt que pour le convaincre, tout ce qu’il y avait d’important, de difficile, de dangereux même dans la réalisation de ses projets ; et qu’il fallait au moins peser chaque démarche décisive avant de l’entreprendre. Édouard se rendit à ces prudentes observations, mais à la condition expresse que son ami ne le quitterait que lorsqu’ils auraient arrêté ensemble la conduite qu’ils devaient tenir, et fait les premières démarches qui rendraient impossible tout retour sur le passé.


Lorsque de simples connaissances se rencontrent après une longue séparation, le besoin de se communiquer les changements survenus dans leurs positions respectives, fait naître entre elles une certaine intimité qui tient de près à l’abandon. Il est donc bien naturel qu’Édouard et son ami se confiassent tout ce que l’un devait encore ignorer du passé de l’autre. Ce fut ainsi que le Major avoua qu’à l’époque du retour d’Édouard de ses voyages, Charlotte lui avait confié le projet de marier sa jolie nièce au jeune veuf et qu’il avait