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sais que d’anciens nœuds ne se brisent pas sans déplacer, sans renverser plus d’un accessoire qui aurait préféré ne pas être dérangé. Mais, dans de semblables situations, les sages discours ne servent à rien ; tous les droits sont égaux dans la balance de la raison, et si l’un d’eux pouvait la faire pencher, il serait facile de jeter dans le bassin opposé un autre droit qui l’emporterait à son tour. Décide-toi donc, mon ami, à agir dans mon intérêt, dans le tien, à dénouer ce qui doit être rompu, à resserrer ce qui est déjà uni. Qu’aucune considération ne te retienne ; déjà le monde s’est occupé de nous, nous le ferons parler une seconde fois ; puis il nous oubliera comme il oublie tout ce qui a cessé d’être nouveau pour lui.

Craignant d’irriter son ami par des objections nouvelles, le Major garda le silence. Édouard continua à parler de son divorce comme d’une chose convenue, il plaisanta même sur les formalités qu’il serait forcé de remplir ; mais tout en en raillant, il redevint sérieux et pensif, car il ne pouvait se dissimuler ce qu’elles avaient de désagréable et de pénible.

— Il n’est pourtant pas possible, dit-il, d’espérer que notre existence bouleversée se remettra d’elle-même, ou qu’un caprice du hasard viendra à notre secours. En nous faisant ainsi illusion, nous ne pourrions jamais retrouver le bonheur et le repos ; et, comment pourrais-je me consoler, moi qui suis l’unique cause de nos maux à tous ? C’est d’après mes instantes prières que Charlotte s’est décidée à te recevoir au château ; l’arrivée d’Ottilie n’était, pour ainsi dire, que le résultat, la conséquence de la tienne. Il n’est pas au pouvoir humain de rendre comme non avenus les événements qui se sont succédés depuis, mais nous pouvons