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u’il avait été prédestiné à cette carrière parce qu’il s’appelait Mittler (_médiateur_).

On servit le dessert et Mittler pria sérieusement les époux de ne pas retarder davantage les confidences qu’ils avaient à lui faire, parce qu’immédiatement après le café, il serait forcé de partir.

Les époux s’exécutèrent alternativement et de bonne grâce. Il les écouta d’abord avec attention, puis il se leva d’un air contrarié, ouvrit la fenêtre et demanda son cheval.

— En vérité, dit-il, ou vous ne me connaissez point, ou vous êtes de mauvais plaisants. Il n’y a ici ni querelle ni division, et, par conséquent, rien à faire pour moi. Me croiriez-vous né, par hasard, pour donner des conseils ? Grand merci d’un pareil métier, c’est le plus mauvais de tous. Que chacun se conseille soi-même et fasse ce dont il ne peut s’abstenir : s’il s’en trouve bien, qu’il se félicite de sa haute sagesse et jouisse de son bonheur ; s’il s’en trouve mal, alors je suis là. Celui qui veut se débarrasser d’un mal quelconque, sait toujours ce qu’il veut ; mais celui qui cherche le mieux, est aveugle. Oui, oui, riez tant que vous voudrez, il joue à colin-maillard ; à force de tâtonner il saisit bien quelque chose, mais quoi ? Voilà la question. Faites ce que vous voudrez, cela reviendra au même ; oui, appelez vos amis près de vous ou laissez-les où ils sont, qu’importe ? J’ai vu manquer les combinaisons les plus sages, j’ai vu réussir les projets les plus absurdes. Ne vous cassez pas la tête d’avance ; ne vous la cassez même pas quand il sera résulté quelque grand malheur du parti que vous prendrez ; bornez-vous à me faire appeler, je vous tirerai d’affaire ; d’ici là, je suis votre serviteur.