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la charrue dans vos pittoresques promenades, pour se retirer derrière les sombres murailles et sous les tilleuls majestueux du jardin de son grand-père ?

Charmée de s’entendre ainsi prédire un fils, Charlotte pardonna volontiers au Professeur le triste sort qu’il craignait pour ses promenades favorites.

— J’espère, dit-elle, que nous ne serons pas réduits à voir de semblables changements ; mais lorsque je me rappelle les lamentations des vieillards que j’ai connus pendant mon enfance, je suis forcée de reconnaître la justesse de vos observations. Ne serait-il donc pas possible de remédier d’avance à l’opposition systématique des générations à venir, pour celles qui les ont précédées ? Faudra-t-il que les goûts du fils que vous m’avez annoncé soient en contradiction avec ceux de son père, et qu’il détruise ce qu’il trouvera fait ou commencé au lieu de l’achever et de le perfectionner ?

— Ce résultat pourrait s’obtenir par un moyen fort simple, mais il est peu de personnes assez raisonnables pour l’employer. Il suffirait de faire de son fils l’associé, le compagnon de ses travaux, de ses projets, de bâtir, de planter de concert avec lui, et de lui permettre des essais, des fantaisies comme on s’en permet à soi-même. Une activité peut se joindre à une autre activité, mais elle ne consentira jamais à lui succéder et à lui servir, pour ainsi dire, de rallonge et de rapiécetage. Un jeune bourgeon s’unit facilement à un vieux tronc, sur lequel on chercherait vainement à faire prendre une grande branche.

Le Professeur s’estima heureux d’avoir trouvé le moyen de dire quelque chose d’agréable à Char