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elle connaissait dans son ensemble. Persuadée que pour être réellement agréable à cet excellent homme, il fallait l’occuper à sa manière, elle avait fait réunir dans la grande salle du château les petits jardiniers, enrégimentés et dressés par l’Architecte qui, avant son départ, les avait une dernière fois passés en revue. Leur uniforme était propre et bien tenu, et leurs allures, naturellement vives et animées, annonçaient encore l’habitude de se conformer aux règles d’une sage discipline.

Se sentant dans son véritable cercle d’activité, le Professeur interrogea ces enfants. Par des détours aussi ingénieux qu’imprévus, il s’éclaira sur leurs caractères et leurs facultés ; il fit plus, car, en moins d’une heure, il avança leur jugement de plusieurs années, et rendit leur raison accessible à plus d’une utile vérité. Ce résultat presque merveilleux n’échappa point à Charlotte.

— Je vous ai écouté avec attention, lui dit-elle, et cependant je ne comprends pas votre méthode. Vous n’avez parlé que de choses que tout le monde peut et doit connaître ; mais comment est-il possible d’agiter et de résoudre tant de questions, et avec tant d’ordre et de suite en si peu de temps, et à travers une foule de propos qui semblaient toujours vous jeter sur un autre terrain ?

— Il est peut-être imprudent, répondit en souriant le Professeur, de trahir les secrets de son métier. N’importe, je vais vous expliquer le procédé par lequel le résultat qui vient de vous étonner devient facile, naturel même. Pénétrez-vous d’un objet, d’une matière, d’une pensée, car je ne tiens pas au nom qu’on juge à propos de donner au sujet d’une démonstration, saisissez-le dans son ensemble, examinez-le dans toutes