Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/227

Cette page n’a pas encore été corrigée

Charlotte rendit justice à la beauté de ce tableau mais elle fut surtout impressionnée par l’enfant, et ses yeux se remplirent de larmes, en songeant que bientôt elle bercerait sur ses genoux une aussi charmante petite créature.

On baissa le rideau, car les personnages avaient besoin de repos, et le machiniste procéda aux changements nécessaires pour passer d’un tableau de nuit et d’humilité, à une image de gloire et de transfiguration.

La certitude que pas une personne étrangère n’assistait à cette pieuse momerie artistique, avait tranquillisé Ottilie sur le rôle qu’elle y jouait ; aussi fut-elle désagréablement affectée lorsque pendant l’entr’acte on lui apprit qu’un étranger, dont personne ne savait le nom, venait d’arriver au château ; que Charlotte l’avait accueilli avec joie et fait placer à côté d’elle. La crainte d’enlever à l’Architecte la plus belle partie de son triomphe, put seule lui donner le courage de reprendre sa place dans la seconde partie du tableau qui offrait un spectacle éblouissant. Plus d’ombres, plus de demi-teintes ; l’heureuse variété des couleurs rompait seule les torrents de lumière qui inondaient la scène.

Ottilie chercha en vain à reconnaître l’homme qu’elle voyait assis près de sa tante, car son rôle la forçait à tenir ses longues paupières baissées. Il parlait avec feu et sa voix lui rappelait son professeur de la pension. Cette voix lui causa une vive émotion : il s’était passé tant de choses depuis qu’elle avait frappé son oreille pour la dernière fois ! Le souvenir des joies et des douleurs qui avaient rempli cet intervalle traversa son âme en détours rapides et capricieux, com