Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/212

Cette page n’a pas encore été corrigée

venait de faire près d’elle, l’avait suffisamment convaincue que son union avec l’homme qu’on lui destinait, lui assurerait un heureux avenir. Ce jeune gentilhomme, en effet, ne se bornait pas à l’aimer tendrement, il était fier d’elle. Riche, mais modéré dans ses désirs, toute son ambition se renfermait dans la possession d’une femme généralement admirée. Son besoin de voir tout en cette femme, et de n’être quelque chose que pour et par elle, était si prononcé, qu’il se sentait douloureusement affecté, lorsqu’une connaissance nouvelle ne donnait pas toute son attention à Luciane, et cherchait plutôt à se mettre en rapport avec lui, ainsi que cela lui arrivait quelquefois, surtout avec les hommes d’un certain âge et d’un caractère grave, dont il gagnait l’estime et la bienveillance par son mérite et son amabilité.

Les arrangements du futur avec l’Architecte n’avaient pas été longs à conclure. Après le nouvel an, l’artiste devait venir rejoindre le jeune couple dans la capitale, où il se proposait de passer le carnaval. Luciane se promettait d’exploiter cette époque de folies par les plaisirs les plus vifs et les plus variés. La représentation des tableaux qui lui avaient déjà valu tant de brillants succès, occupaient le premier rang sur la liste de ses projets d’amusement. Elle ne songea pas même à l’argent que pourrait coûter la réalisation de ces projets, car sa grande-tante et son futur l’avaient accoutumée à n’attacher aucune importance aux sommes qu’elle dissipait pour ses plaisirs.

Le départ de Luciane et de sa suite était définitivement arrêté ; mais il ne pouvait s’effectuer de la manière habituelle et vulgaire, car chez elle tout avait un cachet en dehors des allures ordinaires de la vie.