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sous ce costume du moyen-âge. L’Architecte avait eu soin de draper lui-même les nombreux plis de sa robe de satin blanc ; et il ne put s’empêcher de convenir que cette copie vivante était infiniment supérieure à l’original jeté sur la toile par le pinceau d’un grand artiste. L’admiration qu’elle excita fut telle qu’on ne cessa de faire relever le rideau. Le bonheur qu’éprouvaient les spectateurs en contemplant cette belle personne qui leur tournait le dos, devait nécessairement faire naître le désir de voir son visage ; mais personne n’osait exprimer ce désir. Tout à coup un jeune gentilhomme, vif jusqu’à l’audace, prononça à haute voix cette formule qu’on met parfois à la fin des pages : _Tournez, s’il vous plaît_ ! Tous les spectateurs la répétèrent aussitôt en chœur, mais en vain. Les personnages du tableau connaissaient trop bien leurs intérêts pour répondre à un appel aussi contraire à l’esprit et à la nature de l’œuvre d’art dont ils voulaient donner une juste idée. La jeune fille resta immobile, le chevalier conserva l’attitude d’un père qui gronde doucement un enfant chéri, et la mère ne détourna point ses regards du fond du verre dans lequel elle buvait toujours sans faire diminuer le vin qu’il contenait.

Nous croyons pouvoir nous dispenser de donner le détail d’une foule d’autres représentations qui étaient presque toutes empruntées aux délicieuses scènes de cabarets et de foires que nous devons aux meilleurs peintres de l’école flamande.

Le Comte et la Baronne annoncèrent enfin leur départ, en promettant de venir passer au château les premières semaines de leur mariage ; et Charlotte vit avec plaisir que Luciane et sa suite ne tarderaient pas à imiter cet exemple. Le séjour de plus de deux mois que sa fille