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ceux qui devaient le suivre, conduisirent beaucoup plus loin qu’on ne l’avait pensé d’abord ; à chaque instant on avait besoin d’une foule de choses qu’il était difficile de se procurer à la campagne, et surtout au milieu de l’hiver, où les communications sont lentes et souvent même impossibles.

Tout retard était antipathique à Luciane, aussi sacrifia-t-elle sans hésiter tous les objets de sa garde-robe qui pouvaient servir pour faire des draperies et des costumes tels que les exigeaient les tableaux. L’Architecte s’occupa activement de la construction du théâtre et de la manière de l’éclairer ; le Comte le seconda de son mieux, et lui donna souvent d’utiles et sages conseils.

Lorsque tout fut prêt enfin, on réunit une société nombreuse et brillante qui, depuis longtemps déjà, attendait avec impatience la première représentation.

Après avoir préparé les spectateurs par une musique appropriée au sujet du tableau de Bélisaire, on leva le rideau. Les attitudes étaient si justes, les couleurs si heureusement harmonisées, la lumière si savamment disposée, qu’on se croyait transporté dans un autre monde. Au premier abord cependant, cette réalité, mise ainsi à la place d’une fiction artistique, avait quelque chose d’inquiétant.

Le rideau retomba, mais les vœux unanimes des spectateurs le firent relever plus d’une fois. Bientôt la musique les occupa de nouveau, et jusqu’au moment où tout fut prêt pour la représentation d’un second tableau d’un genre plus élevé. Ce tableau causa une surprise générale et agréable, car c’était la célèbre Esther, du Poussin, devant Assuérus. Dans le personnage de la reine à demi évanouie, Luciane parut