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une foule de soins et d’apprêts, j’en conviens, mais elles ont un charme infini.

Ce genre d’amusement convenait parfaitement au goût et au caractère de Luciane, aussi s’empressa-t-elle de suivre le conseil indirect que le Comte venait de lui donner, et dont elle avait le droit d’espérer de grands succès. Sa taille élégante, ses formes arrondies, sa figure régulière et expressive, ses beaux cheveux bruns, son cou blanc et souple, tout en elle enfin était parfait et digne de servir de modèle au plus grand peintre ; et son penchant pour les tableaux vivants serait sans doute devenu une passion exclusive, si elle avait su qu’elle était plus belle encore quand elle était tranquille et calme, que lorsqu’elle se mouvait sans cesse ; car alors elle avait quelque chose de turbulent qui devenait parfois disgracieux.

Ne pouvant se procurer les tableaux des grands maîtres que l’on voulait représenter, on se contenta des gravures qui se trouvaient au château. On choisit d’abord le Bélisaire de Van-Dick. Le personnage assis du vieux général aveugle fut confié à un gentilhomme déjà avancé en âge, grand, bien fait et d’une physionomie noble. L’Architecte se chargea du guerrier qui, debout devant le général, le regarde avec une tristesse compatissante ; par un hasard singulier, il avait réellement beaucoup de ressemblance avec ce guerrier. Luciane s’était modestement contentée de la jolie jeune femme que l’on voit au fond du tableau, faisant passer de sa bourse dans sa main, l’aumône qu’elle destine à l’aveugle. La vieille qui semble lui dire qu’elle va trop donner, et la troisième femme qui déjà remet son offrande à Bélisaire ne furent point oubliées.

Les préparatifs nécessaires pour exécuter ce tableau et