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remarquable, qu’un autel où brûlait l’encens et la flamme du sacrifice, un buste, des couronnes, des guirlandes et des transparents.

Ottilie était parfaitement à même de donner à son futur cousin une juste idée de la position dans laquelle se trouvait l’Architecte. Elle savait que Charlotte ne pouvait ni ne voulait plus l’employer, et que, sans l’arrivée de Luciane et de sa brillante suite, il aurait déjà quitté le château ; la rigueur de la saison rendant d’ailleurs toute construction impossible, lors même qu’on aurait voulu en faire exécuter. L’intelligent artiste avait donc plus que jamais besoin d’un protecteur qui eût le pouvoir et la volonté d’utiliser son talent.

Les rapports de cet artiste avec l’aimable Ottilie étaient nobles et purs comme elle. La jeune fille aimait à le voir déployer sous ses yeux les forces actives de sa belle intelligence, comme on aime à être témoin des utiles travaux et des honorables succès d’un frère. Son affection calme et paisible ne sortait pas de ses limites ; une passion quelconque ne pouvait plus trouver de place dans son cœur qu’Édouard remplissait tout entier ; Dieu, lui qui pénètre partout, pouvait seul y régner avec lui.

Plus l’hiver devenait rigoureux et les routes impraticables, plus on s’applaudissait du hasard qui avait mis tout le voisinage à même de passer, en bonne compagnie, cette triste saison avec ses courtes journées et ses nuits interminables. Le torrent des visiteurs qui inondait le château allait toujours en croissant ; on avait tant parlé de la vie joyeuse qu’on y menait, que ces bruits attirèrent les officiers en garnison dans les environs. Les uns, aussi bien élevés que bien nés augmentèrent la satisfaction générale, tandis que les