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casé, et s’il était impossible de servir tant de personnes à la fois, on laissait du moins à chacun la liberté de se servir soi-même.

La route, quoique courte, avait été fatigante, les voyageurs avaient besoin de repos, et le futur désirait passer, du moins les premières journées, dans la société intime de sa belle-mère, afin de lui parler de son amour pour sa fille et de son désir de la rendre heureuse. Luciane en avait décidé autrement. Son prétendu avait amené plusieurs magnifiques chevaux de selle qu’elle ne connaissait pas encore, et elle les essaya à l’instant, en dépit de la tempête et de la pluie ; il lui semblait que l’on n’était au monde que pour se mouiller et pour se sécher.

Les constructions et les promenades nouvelles dans les environs du château et dont on lui avait parlé souvent, piquaient également sa curiosité ; elle voulait tout voir, tout examiner dans le plus court délai possible. Sans égard pour ses vêtements ou pour ses chaussures, elle visitait à pied les lieux où on ne pouvait se rendre ni à cheval ni en voiture. Aussi les femmes de chambre étaient-elles forcées de consacrer, non-seulement les journées, mais encore une partie des nuits à décrotter, laver et repasser.

Quand il ne lui resta plus rien à voir dans la contrée, elle se mit à faire des visites dans le voisinage ; et comme elle allait toujours au galop, les limites de ce voisinage s’étendaient fort loin. On s’empressa de venir la voir à son tour, ce qui acheva d’encombrer le château. Parfois ces visites arrivaient pendant que Luciane était absente ; pour remédier à cet inconvénient, elle fixa des jours de réception, et dans ces jours,