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d’autre physionomie que celle de cette belle enfant. Un seul ange restait encore à faire, il devait être le plus beau, et il le devint en effet : en le voyant, on eût dit qu’Ottilie planait dans les sphères célestes.

L’Architecte s’était promis d’abord de laisser les murs tels qu’ils étaient, en les couvrant toutefois d’une couche de brun clair, sur laquelle les gracieuses colonnes et les riches boiseries sculptées devaient ressortir naturellement par leur ton plus foncé. Mais, ainsi que cela arrive presque toujours en pareil cas, il modifia son premier plan, et décora ces places de corbeilles, de guirlandes et de couronnes de fruits et de fleurs ; la représentation de ces dons précieux de la nature unissait, pour ainsi dire, le ciel à la terre. Dans ce dernier travail, Ottilie surpassa presque son maître : les jardins lui fournissaient les modèles les plus riches et les plus variés, et quoiqu’ils dotassent très-richement ces corbeilles et ces couronnes, les peintures se trouvèrent achevées plus tôt qu’ils ne l’auraient désiré tous deux.

Tout était terminé enfin ; mais les bois des échafaudages et autres objets dont on s’était servi pour peindre gisaient pêle-mêle sur les pavés, cassés et bariolés de couleurs, et l’Architecte pria les deux dames de ne revenir dans la chapelle que lorsqu’il l’aurait fait débarrasser et nettoyer. Pendant une belle soirée, il vint les prier de s’y rendre, demanda la permission de ne pas les accompagner, et s’éloigna aussitôt.

— Quelle que soit la surprise qui nous est réservée, dit Charlotte, je ne me sens pas disposée à en profiter en ce moment. Va voir, seule, ce qu’il a fait, et tu m’en rendras compte. Je suis sûre que tu vas jouir d’un coup d’œil agréable ; mais je veux le juger d’abord