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d’en hâter le développement et d’aller ainsi au-devant du bien ou du mal qui doit en résulter pour lui et pour les autres.

Édouard avait répondu à la lettre de sa femme, avec calme, avec résignation, mais sans abandon, sans amour surtout. Quelques jours après avoir écrit cette lettre, il disparut de sa retraite, et cacha si bien les traces de la route qu’il avait prise qu’il fut impossible de les découvrir. La voie de la publicité, celle des journaux apprit enfin à Charlotte que son mari était rentré dans la carrière militaire, car son nom figurait avec honneur dans le récit d’une bataille où il s’était distingué. La pauvre femme osa à peine se féliciter du bonheur avec lequel il venait d’échapper à tant de dangers, car elle savait qu’il en chercherait de nouveaux, non par amour pour la gloire, mais parce qu’il préférait la mort à la nécessité de renouer ses anciennes relations avec sa femme. Plus elle s’affermissait dans cette conviction, si douloureuse pour elle, plus elle s’efforçait de la cacher au fond de son âme.

Ignorant toujours le parti extrême que le Baron avait pris, et heureuse de cette ignorance, Ottilie s’était passionnée pour la peinture. Charlotte lui avait accordé avec plaisir la permission de travailler avec l’Architecte au plafond de la chapelle, et le ciel que représentait ce plafond se peupla rapidement de gracieux habitants. Devenus plus habiles par l’exercice et par l’émulation, les deux artistes faisaient des progrès visibles à mesure qu’ils avançaient dans leur travail. Les figures, surtout, dont l’Architecte s’était spécialement chargé, avaient une ressemblance plus ou moins grande avec Ottilie. Sa présence constante impressionnait le jeune artiste au point qu’il ne pouvait plus rêver