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Le lendemain matin le Capitaine avait quitté le château, laissant au Baron quelques lignes par lesquelles il lui exprimait sa reconnaissance et son invariable attachement. La veille, déjà, il avait fait à demi mot ses adieux à Charlotte ; elle avait le pressentiment que cette séparation serait éternelle, et elle eut la force de s’y résigner.

Le Comte ne s’était pas borné à élever son protégé à un poste honorable ; il voulait encore lui faire faire un mariage brillant ; il s’en occupa avec tant d’ardeur, que, dans la pensée de Charlotte, cette seconde affaire lui parut tout aussi certaine que la première. En un mot, elle avait complètement et pour jamais renoncé à un homme qui n’était plus à ses yeux que le mari d’une autre femme.

Convaincue que tout le monde avait son courage, et que ce qui n’avait pas été impossible pour elle ne devait l’être pour personne, elle prit la résolution d’amener son mari, par une explication franche et sincère, au point où elle était arrivée elle-même.

— Notre ami, lui dit-elle, vient de nous quitter, et avec lui disparaîtra une partie des changements survenus dans notre manière d’être. Il dépend de nous maintenant de redevenir, sous tous les rapports, ce que nous étions naguère.

N’écoutant que la voix de la passion, Édouard crut voir dans ces paroles une allusion à leur veuvage et à un divorce prochain qui les rendrait libres comme ils l’étaient alors.

— Rien, en effet, dit-il, ne parait plus facile et plus juste,