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avait aussi douloureusement offensé. Il faisait de la musique sans prétention et pour s’amuser. Ne pas respecter un plaisir aussi innocent, c’était manquer non-seulement aux devoirs de l’amitié, mais encore à ceux de l’humanité, dans son dépit, il ne songeait pas que pour des oreilles musicales il n’y a pas de tortures plus cruelles que d’écouter une exécution au-dessous du médiocre. Il était offensé et exalta sa colère jusqu’à la fureur, afin de ne point pardonner. Il lui semblait que Charlotte et le Capitaine venaient de le dégager de tous ses devoirs envers eux.

Le besoin de confier toutes ses pensées à Ottilie devint chaque jour plus dominant chez Édouard. Les difficultés toujours croissantes contre lesquelles il était obligé de lutter pour lui adresser quelques mots, lui suggérèrent l’idée de lui écrire et de l’engager à une correspondance secrète. Il venait d’exprimer laconiquement ce désir sur un petit morceau de papier, lorsque son valet de chambre entra pour lui friser les cheveux. Le courant d’air qu’il avait occasionné en ouvrant la porte, fit tomber ce papier sur le parquet ; le valet de chambre le ramassa pour essayer le degré de chaleur du fer à friser ; Édouard le lui arracha des mains, mais trop tard : une partie de l’écriture était brûlée.

Un second billet qu’il écrivit dans la même journée lui parut moins bien ; il éprouva même quelques scrupules sur la démarche dans laquelle il allait engager sa jeune amie. Il hésita et se promit d’attendre ; mais dès qu’il en trouva l’occasion, il lui glissa son billet dans la main. Dans la même soirée, Ottilie trouva le moyen de lui remettre sa réponse ; ne pouvant la lire à l’instant, il la cacha dans la poche de son gilet. Mais ce gilet, fait à la dernière mode, était très-court et la poche si