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des épreuves plus difficiles et toujours vous vous en êtes tiré heureusement en confondant vos ennemis.» Tel fut le discours de Grimbert, et telle fut la réponse de Reineke: «Mon neveu, vous avez raison de me conseiller de me rendre à la cour pour me défendre moi-même. J'espère que le roi m'accordera ma grâce; il sait combien je lui suis utile; mais il sait aussi combien je suis détesté des autres par cela même. Sans moi, la cour ne peut pas exister. Et, quand j'aurais fait dix fois plus de mal, je sais très-bien qu'aussitôt que je puis regarder le roi entre les yeux et lui parler, toute sa colère s'évanouira. Car il y en a beaucoup qui accompagnent le roi et viennent s'asseoir dans son conseil, mais cela le touche médiocrement: à eux tous, ils ne font rien qui vaille; tandis que partout où je suis, à quelque cour que ce soit, c'est mon avis qui l'emporte; car, lorsque le roi et les seigneurs se rassemblent pour trouver un expédient habile dans les affaires épineuses, c'est toujours Reineke qui doit le trouver. C'est ce que beaucoup d'entre eux ne peuvent me pardonner; ce sont ceux-là que j'ai à redouter: car ils ont juré ma mort, et justement les plus acharnés sont à la cour maintenant. Il y en a plus de dix et des plus puissants. Comment pourrais-je leur résister, seul? Voilà la cause de mon retard. N'importe! je trouve qu'il vaut mieux aller à la cour avec vous pour me défendre; cela me fera plus d'honneur que de précipiter ma femme et mes enfants dans un abîme de maux par tous ces délais; nous serions tous perdus. Car le roi est trop puissant pour moi, et, quoi qu'il arrive, il me faut obéir quand il l'ordonne... Peut-être pourrons-nous essayer d'entrer en arrangement avec nos ennemis.»

Reineke ajouta ensuite: «Dame Ermeline, prenez soin des enfants; je vous les recommande: surtout le plus jeune, Reinhart; il a les dents si bien rangées dans sa petite gueule! ce sera tout le portrait de son père, et Rossel,