Page:Goethe - Le Renard, 1861, trad. Grenier.djvu/45

Cette page n’a pas encore été corrigée

Telles étaient les railleries que Brun dut entendre coup sur coup et la douleur le rendait muet; il ne savait à quel saint se vouer. Pour ne pas en entendre davantage, il se traîna jusque dans l'eau et se laissa emporter par le courant jusque sur l'autre rive. Là, il s'étendit, malade et désespéré; et, se plaignant tout haut, il se disait: «Que ne suis-je mort! Je ne puis pas marcher et il me faut retourner à la cour, et me voilà retenu ici de la façon la plus ignominieuse par la perfidie de Reineke. Si je m'en tire jamais la vie sauve, je l'en ferai certainement repentir.» Pourtant il se releva, se traîna avec d'atroces douleurs pendant quatre jours et arriva enfin à la cour.

Lorsque le roi aperçut l'ours en si piteux état: «Grand Dieu! s'écria-t-il, est-ce Brun que je vois? Qui l'a maltraité ainsi?» Et Brun répondit: «Ce que vous voyez est lamentable, en effet; voilà dans quel état m'a mis l'infâme trahison de Reineke!» Alors le roi, tout en colère, dit: «Je tirerai une vengeance impitoyable de cet attentat. Un seigneur comme Brun serait ainsi joué par Reineke? Oui, je le jure, par mon honneur et par ma couronne, Reineke sera puni comme Brun a le droit de l'exiger. Si je ne tiens pas ma parole, je ne porte plus d'épée, j'en fais le serment!»

Le roi ordonne au conseil de se rassembler; il eut à discuter et à fixer sur le champ le châtiment de tant de crimes. Tous furent d'avis, en tant qu'il plairait au roi, qu'il fallait encore enjoindre à Reineke de comparaître pour se défendre contre ses accusateurs et que Hinzé le chat porterait sur-le-champ ce message à Reineke, à cause de sa souplesse et de sa prudence. Tel fut l'avis général.

Et le roi, entouré de ses pairs, dit à Hinzé: