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Il se mit à le dévorer sans retard, se mit en quête d'autres aventures le long de la rivière, but une gorgée et se dit: «Que je suis donc content d'être débarrassé de ce lourdaud de Brun! Je parie que Rustevyl l'a régalé de coups de hache! L'ours m'a toujours été hostile, je lui ai rendu la monnaie de sa pièce. Je l'ai toujours appelé mon cher oncle; mais maintenant il est sans doute mort sur son chêne; j'en rirai toute ma vie! à présent, il ne pourra pas se plaindre, ni me nuire.» Et, comme il marchait, il jette les yeux plus bas et aperçoit l'ours, qui se roulait au bord de la rivière. Il fut tout contrit de le voir encore en vie. «Ah! Rustevyl, s'écria-t-il, misérable paresseux! lourdaud de paysan! c'est ainsi que tu dédaignes une proie aussi grasse et d'aussi bon goût, que plus d'un gourmand aurait payé bien cher et qu'on l'avait presque mise dans la main! Pourtant l'honnête Brun t'a laissé un gage de sa reconnaissance pour ton hospitalité.» Telles étaient ses pensées, lorsqu'il aperçut Brun triste, épuisé et sanglant. Enfin, il lui cria: «Mon cher oncle, est-ce vous que je retrouve? N'avez-vous rien oublié chez Rustevyl? Dites-le moi; je lui ferai savoir où vous avez laissé ce qui vous manque. Sans doute, vous lui avez volé bien du miel; ou bien l'auriez-vous payé? Comment cela s'est-il passé? Eh! seigneur, comme vous voilà arrangé! cela vous donne bien triste mine! Est-ce que le miel n'était pas bon? Il y en a encore à vendre au même prix! Mais dites-moi donc, mon oncle, à quel ordre de religieux vous êtes-vous affilié puisque vous portez maintenant une calotte rouge sur la tête? Êtes-vous donc devenu abbé? Le barbier qui a rasé votre tonsure vous a un peu coupé les oreilles; je le vois bien, vous avez perdu le toupet, la peau du visage et vos gants. Où diable les avez-vous laissés?»