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de loin s'avancer Rustevyl, il se mit à crier: «Brun, comment cela va-t-il? Modérez-vous à l'endroit du miel; dites-moi, le trouvez-vous bon? Voilà Rustevyl qui arrive et qui va vous offrir l'hospitalité; vous venez de dîner, il vous apporte le dessert: bon appétit!» Et Reineke s'en retourna à son château de Malpertuis. Lorsque Rustevyl arriva et vit l'ours, il courut bien vite appeler les paysans qui étaient encore réunis au cabaret. «Venez! leur cria-t-il; il y a un ours de pris dans ma cour, c'est la pure vérité!» Ils suivirent en courant; chacun fit diligence autant qu'il put. L'un prit une fourche, l'autre un râteau, le troisième une broche, le quatrième une pioche, et le cinquième était armé d'un pieu. Jusqu'au curé et au sacristain qui arrivèrent avec leur batterie de cuisine. La cuisinière du curé (elle s'appelait madame Yutt et savait préparer le gruau mieux que personne) ne resta pas en arrière, elle vint avec sa quenouille pour faire un mauvais parti au malheureux ours. Brun entendait, dans une détresse affreuse, le bruit croissant de ses ennemis qui approchaient. D'un effort désespéré, il arracha sa tête de la fente; mais il y laissa sa peau et ses poils jusqu'aux oreilles. Non, jamais, on n'a vu un animal plus à plaindre! le sang lui jaillit des oreilles. À quoi cela lui sert-il d'avoir délivré sa tête? ses pattes restent encore dans l'arbre; il les arrache vivement d'une secousse; il tombe sans connaissance: les griffes et la peau des pattes étaient restées dans l'étau de chêne. Hélas! cela ne ressemblait guère au doux miel dont Reineke lui avait donné l'espoir; le voyage ne lui avait guère réussi; c'était une triste expédition! Pour comble de malheur, sa barbe et ses pieds sont couverts de sang; il ne peut ni marcher, ni courir; et Rustevyl approche! Tous ceux qui sont venus avec lui tombent sur