L'autre reprit: «À quoi bon vous le raconter? La vie n'est pas facile ici; mais je prends mon mal en patience; ce n'est pas tous les jours fête! et, quand il n'y a rien de mieux pour moi et les miens, ma foi, nous mangeons des rayons de miel, il y en a toujours tant qu'on en veut. Mais je n'en mange que par nécessité; me voilà maintenant tout enflé, et ce n'est pas étonnant! j'ai avalé cette drogue-là à contre-cœur. Si je puis jamais m'en passer, du diable si j'en mange encore!--Eh! qu'ai-je entendu, mon neveu? reprit l'ours; faites-vous donc ainsi fi du miel que tant d'autres recherchent? Le miel, faut-il vous le dire? est le meilleur des aliments, du moins pour moi. Vous n'avez qu'à m'en donner, vous ne vous en repentirez pas! je serai encore plus à votre service.--Vous plaisantez, dit l'autre.--Non, vraiment, répond l'ours, je parle très-sérieusement.--S'il en est ainsi, reprend le renard, il m'est facile de vous être agréable; car le paysan Rustevyl demeure au bas de la montagne, c'est chez lui qu'il y a du miel! Certes, vous et toute votre famille n'en avez jamais vu autant à la fois.» Brun se sentait dévoré d'une ardente convoitise pour ce mets chéri. «Oh! conduisez-moi bien vite là, mon cher neveu! s'écria-t-il, je ne l'oublierai jamais. Procurez-moi du miel, quand même je n'en mangerais pas tout mon soûl.--Allons, dit le renard, ce n'est pas le miel qui manquera. J'ai peine à marcher aujourd'hui, il est vrai; mais l'amour que j'ai toujours eu pour vous m'adoucira le chemin. Car je ne connais personne de tous mes parents pour qui j'aie eu de tout temps autant de vénération! Mais venez! en revanche, vous m'aiderez à la cour à confondre mes puissants ennemis et mes accusateurs. Quant à aujourd'hui, je
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