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cessa tout à coup ; je m’en étonnai. Mais, lorsque j’arrivai près d’eux, je reconnus Reineke ; il tenait Lampe par le collet, et certes il lui eût ôté la vie si, par bonheur, je n’avais pris ce chemin. Le voilà ! regardez les blessures de cet homme pieux. Et maintenant, sire, et vous, seigneurs, souffrirez-vous que la paix du roi, son édit et son sauf-conduit soient le jouet d’un voleur ? Ô ! alors le roi et ses enfants entendront encore longtemps les reproches des gens qui aiment le droit et la justice !

Isengrin ajouta :

— Il en sera ainsi et malheureusement Reinecke ne changera pas. Oh ! que n’est-il mort depuis longtemps ! ce serait à souhaiter pour les gens pacifiques ; mais, si on lui pardonne encore cette fois, il dupera audacieusement ceux qui s’en doutent le moins maintenant.

Le neveu de Reineke, le blaireau, prit alors la parole et défendit courageusement Reineke, dont la fausseté pourtant était bien connue :

— Seigneur Isengrin, dit-il, le vieux proverbe a bien raison : « N’attends rien de bon d’un ennemi. » Vraiment mon oncle n’a pas à se louer de vos discours ; mais cela vous est facile. S’il était comme vous à la cour et qu’il jouît de la faveur du roi, vous pourriez vous repentir d’avoir parlé si malignement de lui et d’avoir renouvelé ces vieilles histoires. En revanche, ce que vous avez fait de mal à Reineke, vous l’oubliez ; et cependant, plus d’un seigneur le sait, vous aviez fait un pacte et juré tous deux de vivre en bons compagnons. Voici l’histoire : vous verrez à quels dangers il s’est exposé, un hiver, à cause de vous. Un voiturier passait sur la route, conduisant une cargaison de poissons ; vous l’aviez flairé et vous auriez voulu pour beaucoup goûter de sa marchandise. Malheureusement, l’argent vous manquait. Vous vîntes trouver mon oncle ; vous le décidez et il s’étend sur le chemin comme s’il était mort. Par le ciel ! c’était une ruse bien auda-